samedi 10 avril 2010

Nouvelles du front

Comme vous le savez probablement, la Thaïlande – et plus particulièrement Bangkok- est actuellement en plein déchirement politique. Depuis le 12 mars, les ‘chemises rouges’ (mouvement composé pour l’essentiel de paysans et d’ouvriers réclamant le retour au pouvoir de Thaksin Shinawatra, premier ministre renversé en 2006 par un coup d’Etat militaire) manifestent dans la capitale et réclament la démission de l’actuel premier ministre, Abhisit Vejjajiva. Si le mouvement était, au départ, qualifié de ‘relativement pacifiste’, il a tendance a s’intensifier de jour en jour. Et ce mercredi 7 avril, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence, « une mesure qui l'autorise à imposer des couvre-feux, à interdire tout rassemblement public, à censurer les médias et à placer des individus en détention durant 30 jours sans qu'aucune inculpation ne soit prononcée à leur encontre ». Concrètement, ‘la chaine du peuple’ est interdite à la télévision depuis jeudi et 27 mandats d’arrêt ont d’ores et déjà été émis contre des dirigeants de l’opposition. Pour contrer le mouvement, les pouvoirs de l’armée ont été renforcés et ce sont aujourd’hui plus de 80 000 membres des forces de l’ordre qui sont mobilisés. Vendredi, et pour la première fois depuis le début du mouvement, les manifestants rassemblés autour du centre de diffusion de leur chaine pour en réclamer la réouverture ont été repoussés par les forces de l’ordre à coups de canons à eau et de gaz lacrymogènes.
Bien sûr, je suis à Bangkok… Non pas que je mourais d’envie d’aller voir de mes propres yeux ce qui s’y passait, mais j’ai décidé après deux semaines sur les îles paradisiaques d’aller faire un tour dans le nord du pays, du côté de Chiang Mai. Et donc de faire un stop à Bangkok, histoire de ne pas me tuer le dos et le sommeil dans trajet en bus 24h non stop… Arrivée jeudi soir – sans savoir que l’état d’urgence était décrété depuis la veille- je pensais repartir vendredi. Mais le sort s’acharne : le nouvel an thaïlandais s’annonce et (à croire que le pays entier est originaire du nord !) tous les bus sont déjà remplis jusqu’à dimanche. Me voilà donc coincée à Bangkok pendant 3 jours. Ce ‘stand-by’ forcé pourrait bien sûr être agréable si j’en profitais pour aller arpenter la ville et mitrailler avec mon petit Kodac les plus beaux monuments de cette énorme capitale. Mais les faits sont nettement moins drôles : impossible de se balader sereinement en ces temps de révolution… Ce n’est pas à ‘Bangkok’ que je suis coincée, mais à Koh San Road. Koh San Road ? vous demandez-vous en vous grattant le cuir chevelu. Comme tout bon voyageur venu fouler le sol thaïlandais le sait, il s’agit du zoo touristique de la ville. Une grande rue bordée de bars et de robes à l’étalage, de la musique à fond les ballons (David Guetta, la rue t’appartient !), des touristes en masse, certains débarquant fraîchement de l’aéroport et d’autres ayant déjà des kilomètres de Thaïlande derrière eux. Où que l’on aille et d’où que l’on vienne, Koh San Road est presque un passage obligé. On y passe, on y repasse, on y fait nos premières rencontres et nos adieux… C’est de là que partent et qu’arrivent presque tous les bus, c’est là que sont concentrées la plupart des guest house. Bref, Koh San Road est un monde à part. Et en ce moment, il est fort difficile (et très très peu recommandé !) d’en sortir, si ce n’est pour grimper dans un bus en direction d’ailleurs, loin, très loin…
J’aurais aimé mettre à profit ces trois jours pour vous donner à voir quelques images de cette ville. J’aurais aimé également vous rapporter quelques images de la révolution en cours. Mais mon esprit guerrier n’a pas cette flamme et je n’irai pas me mêler aux manifestations qui font vibrer la capitale. Me voilà donc condamnée à passer des heures sur une terrasse de café sous un soleil de plomb, dans cette ambiance étrange et assez hallucinante. Mon oreille gauche capte les rythmes de la techno pendant que mon oreille droite se concentre sur les cris de la foule rassemblée à quelques rues d’ici. Et mes yeux, quant à eux, sont à chaque minute attirés par le ciel où se croisent les hélicoptères de l’armée. Et pendant ce temps, je pianote sur mon ordi, tentant tant bien que mal de vous retranscrire cette atmosphère particulière sans pouvoir vous donner plus de détails que ceux livrés par les journaux alors que c’est ici que ça se passe, ici, à quelques mètres. Je bois café sur café, le jus de fruits frais étant exclu : les marchés sont fermés et il n’est pas question pour les commerçants d’aller s’approvisionner en dehors de la ville. Et je compte les heures qui me séparent encore du bus salvateur…

1 commentaire:

  1. Courage... j'ai eu un peu peur quand j'ai appris la nouvelle par les journaux et que je te savais en route pour la capitale... c'est fou ce que ça a pu s'intensifier en qqs heures!! NO BOUGE PAS DE TA CHAMBRE, j'arrive en hélico :) Besos Mathilde

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