jeudi 27 août 2009

Asha Niwas : Première visite à l’orphelinat

A mon arrivée en Inde, j’ai pris contact avec un orphelinat et notre première rencontre était fixée à aujourd’hui. Il s’agit de l’orphelinat Holy Family Asha Niwas, qui s’occupe au total de 60 petites filles, réparties dans deux centres. Ces petites filles, qui ont entre 4 et 18 ans, sont arrivées là pour diverses raisons : certaines ont fui une maison où on les maltraitait, d’autres ont été abandonnées par leurs parents et livrées au triste sort de la rue, d’autres encore sont tout simplement orphelines et ont été recueillies sur les trottoirs de Delhi.

A 13h30 pile poil, un peu stressée par cette première rencontre, je suis devant chez moi, le bras levé pour héler un rickshaw. Mais trouver un chauffeur qui accepte de m’emmener jusqu’à Najafgarh n’est pas une mince affaire… en parlementant avec eux, je découvre en effet que l’orphelinat est loin… très loin… en dehors de la ville en fait, qui est elle-même immense. Je commence déjà à penser au retour… puisque c’est si loin, est ce que je vais trouver quelqu’un pour me ramener ? Bon. Pas de panique. Je décide finalement de payer le prix fort et de « louer » un rickshaw pour l’après-midi : il va m’emmener, m’attendre sur place et me ramener ensuite à mon point de départ. Une heure plus tard, je suis toujours à l’arrière de ma machine brinquebalante et je vois la ville s’estomper sous mes yeux. Les échoppes qui abondent habituellement sur les trottoirs laissent place à de longues étendues de terre rougie, sur lesquelles sont construits des abris de fortune qui hébergent parfois toute une famille. Des odeurs surgissent de nulle part. Odeurs de légumes cuits aux épices, odeurs de la terre et odeurs d’urine se confondent et viennent, une nouvelle fois encore, titiller mon odorat. Décidément, mes narines qui ne sont jamais en paix dans ce pays trouveront probablement bien fade le retour en France… Ici, les vaches sont plus nombreuses que dans la ville. Et puis il y a les cochons aussi. Grosses boules roses un peu fripées qui remuent leurs museaux dans les tas d’ordures jonchant la route. Le trajet est long, mais c’est un vrai spectacle et je ne vois pas le temps passer. Et mon chauffeur est là pour me faire la conversation. Durant tout le trajet, ça se passe comme ça : silence pendant plusieurs minutes puis tout à coup, il me pose une question en hindi. Ça a l’air de lui tenir à cœur alors il insiste, il répète ses mots, il fait des gestes. Comme je ne comprends pas, je réponds au hasard Celine… French…28 years old … Paris… Yes, I love India … Mes phrases en anglais et mon accent sont aussi mystérieux pour lui que l’est son Hindi pour moi. Alors l’échange se termine par un HaHa (Oui, Oui) partagé. Nous hochons la tête simultanément et reprenons chacun notre activité (lui la conduite, moi la photographie mentale du paysage qui défile). Et puis, au bout de quelques minutes de silence, l’un de nous deux se décide à retenter l’expérience. Bref. Je ne vous la refais pas.
Au bout d’une heure, le Ciel se met à faire des siennes. Il pleut, il pleut Bergère… C’est vrai, nous sommes en période de mousson. Etant donné la sécheresse de cette année, on aurait tendance à l’oublier. Je pointe un doigt vers l’extérieur et lui dis « Pani ! Pani ! » (Eau ! Eau !). Il me jette un coup d’œil dans le rétro et m’adresse un grand sourire ponctué d’un joyeux « Ha ! Ha ! ». ça y est, on se comprend !
Bon, deux minutes plus tard je rigole un peu moins. La pluie n’a pas l’air de se calmer. Et ici, quand il pleut, il ne pleut pas des cacahuètes… La route devient vite une zone piégée : les crevasses s’emplissent d’eau en un clin d’œil et les piétons remontent leurs pantalons jusqu’aux genoux pour traverser. Je commence à avoir peur de ne pas pouvoir rentrer. Parfois, après une pluie de mousson, il faut plusieurs heures pour parcourir en rickshaw un trajet qui dure normalement 30 minutes… Alors pour un trajet comme celui-ci, je vous laisse imaginer !
Je suis partie depuis 1h30 maintenant et Najafgarh (le district dans lequel se trouve l’orphelinat) ne daigne toujours pas pointer le bout de son nez. La pluie continue à tomber mais de façon régulière. On dirait même qu’elle s’adoucit un peu. Bientôt, mon chauffeur se retourne et m’annonce Najafgarh… Ha ! Ha !
Ouf ! On y est. Je commençais à me demander si ce coin existait vraiment ou s’il n’était qu’une invention de mon imagination…
On quitte la route pour s’engouffrer sur un chemin de campagne. Cabossé, boueux, entouré de champs verdoyants. Personne ni rien à l’horizon. Je suis déjà au bout du monde mais là, j’ai l’impression d’y être plus encore. Et tout à coup, à quelques centaines de mètres de l’arrivée, on s’arrête brutalement. On a roulé dans une crevasse, on a de l’eau jusqu’au dessus des roues et le moteur a pris l’eau. Et ce qui est rassurant, c’est qu’il n’y a personne autour pour nous aider… à part peut être cette vache noire allongée dans son coin et qui nous lance un regard torve. Heureusement, sorti de nulle part, un jeune homme débarque à nos côtés.
Prenant son courage à trois mains, mon chauffeur sort de son rickshaw et avec l’aide de notre nouveau copain, pousse sa bête roulante (et moi dedans) jusque sur la rive (c'est-à-dire sur la bordure du champ). On attend quelques minutes -le temps que le moteur daigne ronronner à nouveau- puis on dit au revoir à notre copain et on reprend la route de l’orphelinat. Enfin, on découvre au bout du chemin une grande bâtisse sur laquelle une pancarte indique Asha Niwas. C’est là. Trouvé.
En entrant dans la cour, je m’aperçois que plein de petits visages sont collés aux vitres de la grande maison. Et là, tout à coup, ça me tombe dessus : je suis intimidée.
Je sors du rickshaw accueillie par la directrice de l’établissement, Sœur Lilly. Derrière elle, 36 petites filles (elles sont 36 dans cette résidence), qui m’entourent en quelques secondes et me serrent la main chacune leur tour. On me fait entrer, on me fait asseoir, on me sert un thé. C’est un peu vertigineux en fait, cette arrivée. En partant de chez moi, je m’attendais à débarquer dans un lieu situé dans la ville et habitué aux visites. En fait, la venue de quelqu’un ici semble être un petit événement et pendant une demi-heure, les enfants m’accueillent avec un spectacle. D’abord un chant de bienvenue, puis des danses par petits groupes. Pendant que les unes dansent, j’entends les chuchotements des autres, leurs regards braqués sur moi, qui me détaillent. Après le spectacle, Sœur Lilly me fait visiter les lieux. Une salle de classe, une salle dans laquelle elles apprennent la couture, une grande cuisine et une salle « informatique » dans laquelle les filles apprennent à utiliser les ordinateurs. A l’étage, trois grandes chambres contenant chacune plusieurs lits superposés. Dans la dernière chambre, j’aperçois un bébé endormi sur un matelas. La Sœur m’explique que c’est le bébé d’une des adolescentes, qui a fui le père, violent.
Et enfin, une salle dans laquelle les enfants n’entrent que le dimanche : la salle TV.
Au moment où nous redescendons, une voiture blanche débarque dans l’allée. Deux visites le même jour ! Les fillettes courent voir ce qui se passe. Deux femmes indiennes sortent de la voiture. Elles expliquent venir de la part d’une association qu’elles ont elles-mêmes créée, et qui s’occupe des femmes battues. Sœur Lilly les invite à boire un thé avec nous. Nous voici maintenant dans une petite cuisine, à 7 autour d’une table en bois. 4 Sœurs, les 2 femmes de l’association et moi. Etrange goûter. Les deux femmes expliquent leur problème : elles viennent de recueillir une jeune-femme, déjà mère de deux enfants en bas âge et enceinte du troisième, qui a perdu un œil suite aux coups portés par son mari et qui est venue chercher refuge chez elles après qu’il se soit également attaqué aux enfants… N’ayant pas de place pour héberger les deux enfants et le troisième à venir, mais ne voulant pas pour autant séparer la jeune mère de ses enfants, elles sont venues demander à Sœur Lilly d’accueillir cette femme et sa famille, sachant qu’elle pourrait effectuer quelques menus travaux dans l’orphelinat (aider en cuisine, aider aux devoirs…). Ma compréhension de l’indien-anglais étant encore parfois relativement approximative, je ne comprends pas tout mais je comprends tout de même que Sœur Lilly accepte.
16h30. Dehors, mon chauffeur s’impatiente. Il est temps pour moi de repartir. Un peu chamboulée par cette première rencontre, je retourne vers mon rutilant rickshaw. Les fillettes sont toutes dehors pour me dire au revoir. Avant de me laisser grimper sur mon siège arrière, elles m’arrachent la promesse d’une après midi passée avec elles la semaine prochaine. De toutes façons, c’était prévu. Si jamais j’avais eu en tête de ne leur rendre visite qu’une seule fois (mais ce n’était évidemment pas le but J), ça serait désormais impossible de m’y tenir. Les visites ont l’air plutôt rares, et ça serait difficile de ne pas revenir les voir après avoir été accueillie de la sorte…
Je vous passe les détails du retour à la maison, qui ressemble grosso modo à l’aller, avec en supplément un joyeux arrêt d’une dizaine de minutes dans une station service fleurant bon d’autres essences. Mais ça n’est pas très intéressant, surtout après un message aussi long que celui-ci ! Si vous avez tout lu jusqu’ici, merci de votre courage J

www.holyfamilyashaniwas.com

lundi 24 août 2009

Notre dernière étape avant de rentrer à Delhi : Bénarès.
De loin, cette ville est un mystère. On en dit tellement de choses, qu’il faut l’avoir vue pour comprendre, qu’elle est le cœur de l’Inde, que certains ne s’en remettent jamais.
Rassurez-vous : on s’en est très bien remises. Mais c’est vrai que son atmosphère particulière vous colle à la peau plusieurs jours encore après l’avoir quittée.

Bénarès, c’est la vie et la mort mélangés à toute heure du jour et de la nuit. Les rues sont grouillantes de monde. Hommes à vélos, vaches qui serpentent entre les échoppes multicolores, promeneurs égarés, temples cachés au cœur de la ville sacrée, trottoirs boueux, ruelles chaotiques, corps suants, odeurs enivrantes. Ici, il semble que le mouvement ne s’arrête jamais. Des enfants courent à travers la ville, tirant le touriste par la manche pour lui faire découvrir les merveilles de son magasin oui lui proposer ses services comme guide.
Nous passons des heures à arpenter cette caverne d’Ali Baba sans fin.




































Mais Bénarès c’est aussi, pour beaucoup, la paix trouvée au bout d’un long chemin de souffrances. C’est là en effet que viennent mourir les hindous ayant atteint leur dernier cycle de vie. Ceux-là en ont fini avec le cycle des réincarnations et peuvent enfin accéder à la vie éternelle et trouver la paix. Autour du Gange donc, la vie attend la mort. La croyance dans le pouvoir du fleuve est telle que ceux qui décident de venir mourir à Bénarès et que la mort refuse de prendre sont considérés comme impurs. Ils deviennent alors des intouchables.
Sur un point bien précis du Ghat (bord du fleuve) ont lieu les crémations. Sans interruption, des corps sont brûlés puis jetés dans le Gange. Il faut trois heures à un corps pour brûler.
Certains corps n’ont pas besoin de passer à travers les flammes et peuvent être directement déposés dans l’eau du fleuve. Il s’agit des corps purs : les bébés, les vaches, les victimes d’un serpent et les malades morts de la variole.

A la nuit tombée, nous sommes allées assister au rituel des crémations. Il faut imaginer des brasiers au bord du fleuve, des étincelles de feu dans l’obscurité, le crépitement des flammes, la forme d’un corps aperçue au creux des flammes. Et l’odeur. On ne la sent pas tout de suite, mais un coup de vent suffit à faire passer dans l’air quelque chose d’indescriptible, qui prend les narines et que l’on oublie difficilement. Une odeur âcre. Nous ne restons que quelques minutes. L’ambiance est pesante, la nuit semble plus lourde et plus noire qu’à l’habitude et la chaleur nous étouffe.

Plus tard dans la soirée, c’est l’heure de la Puja. Lors de cette cérémonie, des hommes et des femmes rendent hommage au fleuve à travers des danses et des chants. Nous ne sommes qu’à quelques dizaines de mètres des bûchers sur lesquels brûlent encore des corps, mais l’ambiance est radicalement différente.
A la fin, chacun peut déposer sur l’eau une petite barque composée de fleurs et d’une bougie en pensant à des personnes aimées. Le fleuve s’allume alors de mille feux tandis que les barques voguent à la rencontre les unes des autres.







Le lendemain matin, je me lève à 5h pour assister depuis la terrasse de ma Guest House au lever du soleil sur le Gange. Malheureusement, il pleut. Une pluie légère, agréable, mais qui obscurcit le ciel. Tant pis. Le spectacle du Ghat qui s’éveille vaut bien celui d’un lever de soleil. Je passe 6 heures sur cette terrasse, à observer les mouvements qui ont lieu un peu plus bas. D’abord, les premières ablutions. Des hommes et des enfants entrent dans le fleuve et se purifient en se baignant complètement le corps et la tête. Arrivent ensuite les lavandiers : les pieds dans l’eau, ils lavent le linge de la communauté. Ils font mousser les chemises, les rincent dans l’eau du Gange puis les frappent sur les bords du quai. Le bruit des claquements se faufile jusque sur ma terrasse. Au fil des heures, les vêtements de toutes les couleurs s’étalent sur la rive. Au départ, deux chemises, trois pantalons. Puis dix. Cinquante. Deux cents. Le quai en est bientôt recouvert. Petites tâches de couleur séchant au bord du fleuve : c’est comme un film qui se déroule sous mes yeux.Autre image de cette matinée pas comme les autres : sur la terrasse de mon hôtel, où je suis seule, un vieil homme fait son entrée, seulement vêtu d’un pagne blanc qui lui couvre les hanches. Il prend sur une table un parapluie qui traine par là, rose à petits pois jaunes, et le déploie au-dessus de sa tête pour se couvrir de la pluie. De l’autre main, il attrape un balai et commence à balayer… la pluie ! Cette image aurait mérité une photo, une vidéo…
Le clou de ce spectacle : il attrape sur le sol quelques ordures qui trainent, les emballe dans un sac plastique, s’approche de ma table et … balance le sac par-dessus le bord de la terrasse. Je jette un coup d’œil : le sac a rejoint une dizaine de ses compagnons sur les bords du Gange.
L'après-midi, nous faisons une dernière balade dans les rues avant de monter en barque. Un petit tour de fleuve et puis-s'en-va. Il est l'heure de rentrer à Delhi...
Petite vidéo (filmée depuis l'arrière d'un vélo) pour vous donner un aperçu de l'ambiance:

samedi 22 août 2009

Khajuraho ou l'érotisme à fleur de temple

Après la visite du Taj Mahal à Agra, il est temps pour nous de reprendre un train, direction Orchha. Nous débarquons en fin d’après midi sur un quai de gare, épuisées et affaiblies : le capuccino (enfin, on imagine que c’est lui…) de la veille a fait son effet. Mathilde est fiévreuse et je vomis des litres d’eau. Comme à Jaipur, des hommes s’agglutinent autour de nous pour nous proposer taxis et rickshaws. Il fait trop chaud, ils sont trop nombreux et on ne se sent vraiment pas bien. J’adore l’Inde depuis que je suis ici, mais ce moment là est particulièrement difficile à supporter. L’arrivée dans une gare indienne quand on est malade n’est pas ce qu’il y a de plus agréable. Bref.
D’Orchha, je n’ai rien vu d’autre que la chambre d’hôtel. La déshydratation est très rapide. Heureusement, une petite perf’ et ça repart ! Le médecin que nous avons fait venir à l’hôtel fait des miracles et le lendemain matin, nous sommes à nouveau sur pied. En ouvrant la fenêtre, on découvre ma perf plantée dans un arbre, au bord de la rivière qui fait face à notre chambre. Ne trouvant pas de poubelle, le médecin l’a jetée par la fenêtre… l’Inde et son sens de l’écologie !
Notre passage à Orchha était de courte durée et un taxi nous attend pour nous conduire à Khajuraho (on avait prévu de s’y rendre en bus mais après l’épreuve de la veille, la perspective de nous entasser pendant plusieurs heures dans un truc non climatisé et qui saute sur les bosses à chaque virage nous semble inconcevable).

Khajuraho, ce n’est plus le Rajasthan. Nous sommes maintenant dans la région du Madhya Pradesh. C’est une petite ville où on a l’impression qu’il fait bon vivre. Les rues sont plus calmes, on y respire mieux. Au 10ème siècle, cette ville était la capitale religieuse des Chandelâ : c’est à cette époque qu’ont été bâtis les temples pour lesquelles la ville est aujourd’hui connue. Il y en avait alors 85. Il en reste 22 aujourd’hui.
Dans ces temples consacrés aux cultes hindous et jain, on trouve des sculptures érotiques très très osées, qui font référence au KâmaSûtra. Le « purinatisme » ambiant de l’Inde actuelle n’avait pas cours à l’époque, et c’est assez amusant de voir que ces familles indiennes qui ne s’autorisent aucun geste affectueux en public détaillent les sculptures qui s’offrent à leur regard avec une attention toute méticuleuse. Le pays du contraste, encore et toujours !

Ci-dessous, quelques temples de Khajuraho en images…







Et la photo bonus... Une mère et sa fille dans la gare de khajuraho

vendredi 14 août 2009

Le Taj Mahal: Il était une fois une princesse....

Pour exprimer leur amour, certains inventent des poèmes. D’autres écrivent des chansons. L’Empereur Shah Jahan, lui, a fait construire un monument à la mémoire de sa bien-aimée. Ce n’est pas banal.
C’est en 1607 que le jeune Prince Khurram, alors âgé de 16 ans, fait la rencontre de la princesse Arjumand Banu Begam. Entre eux, c’est le coup de foudre. La date d’un mariage ne pouvant pas être décidée à la légère, il leur faudra attendre cinq ans pour pouvoir officialiser leur union : sur le conseil des astrologues de la cour, la cérémonie a lieu le 27 Mars 1612 (aujourd’hui encore, les familles indiennes ont souvent recours à l’astrologie pour marier leurs enfants). Arjumand Banu Begam prend alors le nom de « Mumtaz Mahal », qui signifie « la préférée du Palais ». En 1628, le Prince accède au trône et devient le cinquième empereur Moghol. Il porte désormais le nom de Shah Jahan.
En 1630, le couple attend son quatorzième enfant (dont sept seulement ont survécu). Malheureusement, l’accouchement se passe mal : l’enfant survit, mais Mumtaz Mahal meurt en couches. La légende raconte que l’amour de Shah Jahan pour sa femme était tel que ses cheveux ont alors blanchi en l’espace d’une seule nuit…
Selon certains auteurs, Mumtaz Mahal aurait demandé deux choses à son époux avant de mourir : qu’il n’ait pas d’autres enfants, et qu’il construise un monument en souvenir de leur amour éternel. D’où le Taj Mahal.
Shah Jahan s’entoura des meilleurs architectes et d’une équipe de 20 000 ouvriers pour entamer la construction de ce qui deviendra une merveille du monde. On ne sait pas exactement quand fut achevée la construction du Taj, mais on sait qu’il a fallu au moins seize ans, voire plus. Le résultat est un mausolée de marbre blanc aux lignes épurées, érigé dans l’obsession de la régularité : tous les éléments se répondent entre eux avec un parallèle parfait.
On raconte que l’Empereur Shah Jahan avait prévu de construire un mausolée identique, mais en marbre noir cette fois, en face du Taj Mahal. Celui-ci aurait accueilli sa propre tombe. Mais il n’a pas eu le temps de mener à bien son projet (même pas de l’entamer), puisqu’il a passé les dernières années de sa vie à regarder le Taj Mahal depuis le Fort Rouge d’Agra, où il a été enfermé par son fils.
Toujours sur ordre de son fils, sa tombe a finalement été placée près de celle de Mumtaz Mahal, dans la chambre centrale du Mausolée. La disposition choisie brise la symétrie imposée par Shah Jahan à l’ensemble du bâtiment.
La légende raconte encore que lorsque la construction du Taj fut achevée, les ouvriers eurent les mains coupées pour éviter qu’ils ne puissent reproduire ailleurs sa splendeur.

Aller voir le Taj Mahal, c’est donc entrer dans un lieu plein d’histoire. Un lieu qui symbolise à la fois l’Amour éternel et la dévotion, la souffrance de centaines d’hommes…
Nous y sommes allées le jeudi 6 août. Levées à 5h du matin dans l’espoir de pouvoir observer le lever du soleil sur ce petit joyau, nous avons été assez déçues. Le Taj Mahal, c’est certes magnifique. Mais c’est aussi extrêmement touristique. Et pour avoir l’honneur d’en fouler le sol, il faut d’abord déjouer quelques pièges ….
Le rickshaw qui nous y conduit nous laisse à une bonne dizaine de minutes à pieds de l’entrée du Taj : les véhicules motorisés ne peuvent pas aller au-delà. Il nous explique comment nous y rendre (tout droit en fait). Très bien. Ce qu’il omet de nous dire en revanche, et qui n’est pas très visible, c’est que les billets doivent être achetés là où il nous a laissées. Donc une fois arrivées à l’entrée, il nous faut repartir, à l’arrière d’un vélo. Déjà vingt minutes perdues… On fait l’aller-retour et nous revoilà, arborant fièrement nos tickets. On nous laisse faire la queue. On sent qu’il y a des petits mouvements de foule, des signes d’énervement, mais on ne sait pas exactement ce qui se passe. Arrivées au niveau de la « fouille » des touristes, on comprend : on nous déroule en effet une liste aussi longue qu’un bras de ce qu’il est interdit de faire entrer sur le site (entre autres chewings gums, MP3 et paquets de cigarettes). Ah oui, et toutes ces choses interdites, on les laisse où ? « Where you bought your ticket, Ma’am ». OK. Retour à la case départ donc, et ne gagnez pas 20 000 roupies.

Bref, si vous souhaitez un jour vous aventurer sur les traces de l’Empereur, sa femme et le p’tit Prince, faites attention à ces petits détails qui peuvent vous gâcher un moment qui malheureusement, ne se répétera peut-être pas plusieurs fois dans une vie.
Délestées de notre maigre butin et sous un soleil déjà bien levé, nous avons fini par passer le portique de sécurité. Et là, Oh Miracle, le Taj est là qui nous attend ! C’est vrai qu’il est beau, c’est vrai qu’il est blanc, et le ciel bleu qui coupe ses lignes le rend plus imposant encore. On sent chez lui la force et l’expérience du vieillard, assis sur son trône depuis des siècles et prêt à dominer pendant des siècles encore les pauvres petits touristes que nous sommes. Les appareils photos clignotent de toutes parts, c’est dommage. Nous sommes bien trop nombreux pour entendre le silence du Taj, et l’histoire qu’il a à nous raconter.
Mais après plusieurs minutes de contemplation, je ne peux pas m’empêcher de dégainer moi aussi mon arme à flash et de le mitrailler. Après tout, il est si beau, pourquoi s’en priver ? Mais la plus belle image du Taj, vous ne la verrez pas parmi ces photos. Elle est restée dans ma tête.










mardi 11 août 2009

Lundi 3 août, 6h du matin. Nous sommes à la gare de New Delhi, attendant un train qui nous conduira à Jaipur, au cœur du Rajasthan.
La sortie de Delhi nous donne à voir une réalité peu joyeuse. Pendant des kilomètres, les bidonvilles se succèdent derrière les vitres du train. Images d’une misère difficile à imaginer. C’est le petit matin, des hommes s’entassent sur le bord des routes pour faire leurs besoins, des enfants courent au milieu des détritus, des cochons se goinfrent des restes de nourriture qu’ils trouvent entre deux montagnes d’ordures…
Petit à petit, le paysage change, on entre dans la campagne. Je peux difficilement vous en parler parce que je me suis malheureusement endormie jusqu’à l’arrivée !
A la sortie du train, la chaleur est déjà accablante. Nous sommes assaillies par une horde de taxis-men qui se battent presque pour nous faire monter dans leurs voitures. J’ai un goût de déjà vu en me souvenant d’une arrivée assez semblable à Iquitos, au cœur de la jungle péruvienne. Hein, mon Philou ?
Après quelques minutes de palabres, nous voilà entassées avec nos sacs dans un taxi tout blanc. Impossible de prendre un rickshaw : nous allons loger à Amber, un petit havre de paix à quelques kilomètres de la grande ville. Amber est en fait l’ancienne capitale de l’Etat princier de Jaipur.
Toutes voiles dehors, nous démarrons. Le trajet se passe bien jusqu’à ce que, presque parvenues à bon port, nous nous apercevions que le chauffeur ne connait pas l’adresse. On tourne pendant près d’une heure dans les ruelles d’Amber, demandant notre chemin à des locaux qui, voulant tous bien faire, nous indiquent des directions toutes plus incongrues les unes que les autres. Mais comme tous les chemins mènent à Rome, c’est finalement au bout d’un petit sentier escarpé que nous découvrons la Doongri Guest House, où nous allons passer deux jours dans un cadre absolument paradisiaque : petite maison au milieu des montagnes, tenue par une française et son mari, musicien indien qui nous fait découvrir les charmes de la méditation à la belle étoile…
Armées de nos appareils photos et de nos plus belles tongs, nous partons à la découverte du Fort d’Amber. Au XIIème siècle, le site était occupé par la dynastie des Kachwahas, et la citadelle est restée leur capitale jusqu’à la fondation de Jaipur, en 1727.
On dit que le Fort est splendide. Et on n’a pas tort. C’est à couper le souffle. Le Fort se dresse, majestueux, s’étale devant nos yeux. Ses couleurs oscillent entre le rose et le jaune, et ça lui va bien. On ne sait plus s’il faut regarder devant ou bien sur les côtés, s’y enfoncer tout de suite pour mieux le découvrir ou prendre le temps de l’appréhender de loin. J’adore.







Des enfants croisés dans le fort... ils adorent qu'on les prenne en photo! Et nous apprennent quelques mots d'hindi. Héhé, notre vocabulaire s'enrichit de jour en jour!




En grimpant pour atteindre le Fort, on croise un éléphant. D’humeur sociable, on se dit ‘faisons connaissance !’. On l’appelle : « Hati ! Hati ! » (éléphant, en Hindi). Ça ne lui a apparemment pas tellement plu puisqu’il s’est gentiment mouché sur nous… Mais peut-être était-ce en fait un sympathique message de bienvenue ?


Après le fort, nous faisons un petit tour dans le village. Le marché en appelle à tous nos sens : odeurs, cris, couleurs…. Comme c’est agréable de se balader dans ces petites ruelles !



Le soir venu, nous assistons à un spectacle son et lumière au sein du fort, qui retrace l’histoire d’Amber et de Jaipur. C’est bien compliqué, d’autant que le spectacle est en anglais. En gros, il s’agissait au départ d’une principauté, créée en 1903 et portant le nom de Dhundar, et dont Amber était la capitale. En 1947, avec l’indépendance de l’Inde, la principauté cesse d’exister.

Le lendemain, grâce à Nico qui est passé par là quelques jours avant nous, nous faisons la rencontre de Sunny. Il a notre âge et son père possède la plupart des éléphants d’Amber. En plus d’une jolie rencontre, cela nous permet d’apprendre quelques petites choses plutôt utiles : par exemple, les voitures portant une plaque d’immatriculation jaune sont « publiques » et peuvent transporter des personnes pour de l’argent, tandis que celles ayant une plaque noire ne sont qu’à usage privé. Bon à savoir au cas où une voiture avec une plaque noire tenterait de se faire passer pour un taxi ! Mais jusqu’à maintenant, le cas ne s’est jamais présenté. Pas encore eu peur, ici.
Très sympa, Sunny passe la journée avec nous et nous fait découvrir Jaipur. Jaipur est aussi appelée la ville rose. A l’origine, les bâtiments étaient plutôt blancs mais ils ont été entièrement repeints en rose à l’occasion de la visite du Prince Albert en 1853 : le rose est une couleur traditionnelle de bienvenue ! Comme à Delhi, les rues sont grouillantes : bruits de klaxons de tous côtés, piétons qui se fraient un passage entre les vaches, les rickshaws et les vélos, trottoirs encombrés. Nous voulions visiter le Palais des Vents (Hawa Mahal) qui, parait-il, est magnifique, mais nous arrivons trop tard !









Mais comme la surprise est à chaque coin de rue, nous découvrons coincé dans un des murs du palais un petit temple où une petite fille, seule, s’amuse à coller des feuilles sur un mur. Nous restons là pendant une heure, allongée sur les tapis et jouant avec elle… Le calme après la tempête !





A la nuit tombée, Sunny nous emmène dans un festival ‘culturel’, qui a lieu tous les ans en pour célébrer la mousson (qui, cette année, se fait d’ailleurs très absente. Ce qui est très ennuyeux pour les indiens : en termes de culture, leurs pertes risquent d’être terribles cette année). Le festival se déroule dans un grand parcs. On déambule dans des allées éclairées à la bougie, au son des instruments de musique traditionnelle. Un petit tour d’éléphant, une lecture des lignes de la main (dangereux, selon certains ! Si le diseur de bonne aventure est fort, il risque de nous voler notre chance en nous touchant la main…), un dîner aux chandelles sur des coussins moelleux… la soirée est parfaite !


Avant de nous raccompagner à la Guest House, Sunny nous invite à passer dans la grange où sont installés les éléphants pour la nuit. Il fait sombre et ils sont tous là, imposants, chacun sur leur carré de paille. Nous montons encore sur un éléphant, mais de façon plus artisanale cette fois : pieds nus, on escalade d’abord sa jambe puis on tente tant bien que mal de se hisser jusqu’à son cou, aidées par Monsieur Elephant :-)

Après tant d’émotions, une bonne nuit de sommeil est la bienvenue…
Le lendemain, nous nous rendons à la gare routière où un bus nous attend, direction Agra. Avant de monter dans le bus, nous buvons un capuccino qui nous sera fatal (enfin, je pense ! ) mais vous en saurez plus en lisant la suite de nos aventures… bientôt dans vos kiosques, et sur ce blog ! Ci-dessous ==> 2 vidéos
La première: trajet Jaipur -Agra en bus. Sans mentir, le klaxon que l'on entend sur la vidéo retentissait toutes les 30 secondes, une minute max.... pendant 4 heures!!!

Vidéo tournée au Fort d'Amber:

mercredi 5 août 2009

Quelques chiffres...

En ce qui concerne le petit sondage affiche sur ce blog, personne n'a donne la bonne reponse. Le revenu moyen indien est en fait de 548 euros.
Mais aviez-vous bien compris qu'il s'agit du revenu moyen ANNUEL ?
http://www.aujourdhuilinde.com/informations-inde-le-revenu-moyen-des-indiens-progresse-de--en-un-an-3776.asp?1=1

Autres chiffres:
En lisant le journal dans le train allant de Delhi a Jaipur, j'ai appris que l'Inde ou le taux de mortalite des femmes enceintes est le plus eleve... Un quart des femmes qui meurent en couches dans le monde entier sont des femmes indiennes.

Et enfin, une date: aujourd'hui, 5 aout, l'Inde celebre Raksha Bandhan, la fete des freres et soeurs. Les familles se deplacent dans tout le pays pour se retrouver: les femmes offrent a leurs freres un bracelet (appele Rakhi), en echange de quoi elles recoivent un cadeau (un bijou, un sari..). La fete dure toute la journee, et est issue de la tradition hindoue. Mais il n'est pas inhabituel que des non-hindous celebrent egalement Raksha Bandham. Plus qu'une fete religieuse, il s'agit avant tout de temoignages d'affection. En hindi, Raksha Bandham signifie le lien de la protection.

Desolee pour le manque d'accents au sein de ce message, je suis actuellement dans un cyber cafe d'Agra, la ville du Taj Mahal.

dimanche 2 août 2009

Départ en voyage

Cette semaine, les nouvelles vont probablement se faire plus rares: nous prenons un train demain matin à la Delhi Railway Station, et partons pour une semaine de voyage.
Au programme: Jaipur, Agra (Taj Mahal), Orchha, Khajuraho et Benares, la ville sacrée au sujet de laquelle Pierre Loti a écrit:
Il est des villes - telles Benares - encore tellement imprégnées de prière, malgré l'invasion du doute moderne, que l'on y est plus qu'ailleurs libéré d'entraves charnelles, et plus près de l'infini

Je vous raconterai tout cela en détail à notre retour, la semaine prochaine.
En attendant, quelques photos du marché où nous étions cet après midi. Un marché certes un peu plus touristique que d'autres, mais tellement reposant! On peut s'y asseoir à l'ombre et boire un coca en admirant les diverses étoffes flotter au vent...











Au retour, on a fait un arrêt au supermarché du coin et sommes rentrées à pieds par les petites ruelles de notre quartier, avec dans les oreilles la musique de Nothing Else Matters. Etrange promenade au clair de lune que ce retour mélodieux, mêlant aux odeurs d’épices les visages des enfants et la vue des corps allongés au sommet des bus…