mercredi 7 octobre 2009

Faire de la balançoire à Chandigarh

Avez-vous lu Loin de Chandigarh, le livre magique de Tarun J Tejpal ? Son histoire se déroule certes plus autour d’une femme qu’autour de la ville en elle-même, mais il en dit cependant quelques mots, que je me permets d’utiliser parce que leur justesse décrit parfaitement l’impression que m’a laissée Chandigarh :
«(…) cette étrange cité minérale née de la géométrie et non du besoin. Une ville bâtie avec des rapporteurs, des règles, des équerres, des compas, bien plus qu'avec de la passion, de l'émotion, de l'ardeur et de la créativité. Le Français qui l'avait édifiée en avait expurgé à la fois la sensualité accomplie de son peuple et la truculente robustesse des Indiens. Il avait construit un habitat géométrique. Seul le temps en ferait une ville. Beaucoup de temps."
Ps : « le français qui l’avait édifiée » : il s’agit du Corbusier.

Pas très enthousiaste, me direz-vous ? En effet. Je n’ai pas réussi à trouver à Chandigarh le charme que j’ai (jusque là) trouvé à toutes les villes indiennes traversées.
Petit résumé de la situation…

Samedi, 7h10 - Un rickshaw me dépose dans la New Daily Railway Station où j’ai rendez-vous avec Patricio, l’argentin qui fait de la balançoire comme pas deux (cf. photo). En l’attendant, je m’assois sur mon sac et j’observe le spectacle. Les rickshaws déversent les voyageurs pressés et alpaguent à force de cris les clients potentiels qui sortent de la gare, les enfants courent entre les valises, les chiens errants sont hagards, les femmes portent des saris multicolores, les corps encore endormis sur le sol sont recroquevillés, les hommes se bousculent….
7h30 – Patricio arrive et nous nous dirigeons vers le panneau lumineux indiquant les départs. Notre train, prévu pour 8h, n’est pas affiché. Tous les autres trains de la matinée le sont. Euh, il existe vraiment ce train ?
7h40 – Nous jouons des coudes pour ne pas perdre notre place dans la file d’attente qui gonfle devant le guichet d’information. Personne n’a la patience d’attendre et chacun hurle sa demande par-dessus la tête des autres, espérant une réponse qui ne vient jamais. Une femme se retourne et me parle en postillonnant : et hop, un petit crachat qui vient se loger dans ma narine. La journée commence bien…
7h45 – Nous demandons à la femme qui tient le guichet si elle sait de quel quai part notre train. Elle regarde notre billet, l’œil dubitatif, et pour toute réponse nous annonce qu’il s’agit du « train pour Chandigarh ». Oui, merci, ça on savait… mais le quai ? « Le même que d’habitude ». C'est-à-dire ? « Je sais pas ». Ok. Retour à la case départ.
7h50 – Les sens en alerte, nous repérons une pancarte qui indique qu’à l’étage se trouve une salle d’informations pour touristes… Nous prenons nos jambes à nos cous et grimpons les escaliers d’un pas alerte pour déboucher devant un écriteau affichant que la salle n’ouvre qu’à 8h. Dilemme : si on attend, on loupe le train. Mais si on n’attend pas, on ne saura pas d’où il part…
7h55 – Nous voilà aux abords du quai, en grande conversation avec deux policiers qui nous confirment à la lecture de notre billet qu’il s’agit bien d’un train pour Chandigarh. Décidément. On n’est toujours pas sûrs de pouvoir monter dedans, mais au moins on sait où il va.
8h00 – Personne n’a encore réussi à localiser notre train. On panique ? Nooooooooooooon. On reste zen et surtout, on n’essaie de ne pas trop transpirer.
8h05 – On attend bêtement au milieu de la gare que le train daigne se montrer. Ou qu’on nous apprenne qu’il est déjà parti…
8h10 – Un policier à qui nous avons parlé tout à l’heure a tout à coup l’œil qui brille. Il nous explique qu’il vient d’entendre une annonce en hindi : notre train a du retard et est annoncé voie 12 !
8h20 – Nous sommes dans le train… et je pense très fort qu’il faut décidément que je me mette à l’hindi. Le wagon démarre, il est presque vide… aurions-nous perdu quelques autres « non-hindi speakers » en chemin ?
Quatre heures plus tard, du vent plein les cheveux et la marque du siège sur la joue (il faut bien dormir de temps en temps), nous débarquons à Chandigarh. Le sol de la gare est carrelé et c’est plutôt propre, ça fait tout drôle. A la sortie de la gare, un grand panneau nous souhaite bienvenue dans la « beautiful city ». Comme partout ailleurs, les rickshawmen se pressent vers nous et nous en suivons un qui nous conduit jusqu’au centre ville. Le trajet est étrangement reposant : grandes routes goudronnées, larges espaces verts qui longent les trottoirs (parce qu’en plus, il y a des trottoirs !), klaxons relativement rare et circulation fluide… Je me dis que c’est vraiment très, très agréable, et j’attends la suite avec impatience.

Malheureusement, je dois l’avouer, j’ai été plutôt déçue par la ville en elle-même. Des bâtiments gris, carrés, alignés les uns à côtés des autres comme des blocs de béton. Un jeu de légos sur pattes, aucune fantaisie, les rues sont presque ‘trop rangées’. Est-ce que j’ai déjà perdu, à ce point, l’habitude et le goût de l’ordre dans une ville ? Cette urbanisation organisée me froisse et je ne me sens pas palpiter de curiosité à la vue des ruelles qui s’ouvrent devant nous. Cela reste évidemment un point de vue personnel et je sais que d’autres, qui sont aussi passés par Chandigarh, l’ont aimée.

Pour être tout à fait honnête, il y a quand même une chose qui m’a beaucoup plu à Chandigarh : le Rock Garden, un parc tout droit sorti de l’imagination de Nek Chand. Pour vous situer le personnage, sachez que Nek Chand a participé, aux côtés du Corbusier, à la construction de Chandigarh, ville destinée à être la capitale du Pendjab. Il y a été inspecteur des routes, ce qui lui a permis de récupérer tout un tas de matériel hétéroclite parmi les déchets. Et un jour (en 1958 plus précisément), Nek Chand a eu l’idée folle de construire avec ces matériaux un parc à l’image de son imaginaire. S’il s’agissait au départ d’un terrain squatté, le parc a ensuite été légalisé et Wikipedia vous apprendra qu’il s’agit aujourd’hui du deuxième site le plus visité d’Inde !
C’est dans une atmosphère un peu féérique que l’on déambule dans ce parc. Le chemin est tout tracé et, comme chez Ikea, on suit un parcours qui nous amène à voir les créations de Nek Chand. Les mosaïques rappellent par moments celles du parc Gaudi, à Barcelone. Puis une porte que l’on doit traverser en se baissant nous plonge pendant quelques secondes dans l’univers d’Alice aux pays des Merveilles. Et à la fin du parcours, on débouche sur un grand jardin qui ressemble au paradis de l’enfance : chameaux qui se baladent en liberté, miroirs déformants, stands de cacahuètes et balançoires accrochées au plafond d’un grand couloir en pierres…
Un décor qui me fait oublier qu’au-delà des murailles, il y a une ville qui me repousse plus qu’elle ne m’attire.














Ce que je retiendrai de ce week-end ? Qu’à Chandigarh, j’ai fait de la balançoire…

1 commentaire:

  1. est ce que tu as vu que j'étais avec toi dans le train presque vide...en lisant et en relisant tes aventures chaque jour j'ai vraiment l'impression d'y être.Bravo.allez je vais faire de la balançoire!!!!!
    tatie F.

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