mercredi 23 septembre 2009

Kutub Minar ou Comment faire du tourisme en estafette ou Les aventures de Martine à la campagne

La journée avait commencé plutôt normalement. 13h, rendez-vous avec Logaine sur le siège matelassé d’un rickshaw, direction Kutub Minar (qui s’écrit également Kûtb Minar), au sud de Delhi.
Mais qu’est ce que Kutub Minar ? Eh bien, c’est une tour. Une tour ? Oui, mais pas n’importe laquelle. C’est la « tour de la victoire ». Erigée au XIIème siècle par un dénommé Qutb Ud-Dîn Aibak, qui fût le premier dirigeant musulman de Delhi. 72,5 m de hauteur pour 14,3 m de diamètre. Un mélange de grès rouge et de marbre blanc. Des inscriptions calligraphiques reprenant les vers du Coran. Impressionnante, en somme.


Dans le complexe qui abrite Kutub Minar, on trouve également les ruines de la première mosquée construite en Inde, et qui porte le doux nom de Qwwat ul-islâm.
Ainsi que le premier tombeau, construit en 1235 (qui abrite le corps d’un certain Iltutmish) : à l’époque, les corps subissaient encore exclusivement le rituel de la crémation.




Pendant une ou deux heures, Logaine et moi avons promené nos tongs et nos objectifs dans ce lieu prestigieux et plein d’histoire…. puis l’aventure a commencé !Le matin même, Logaine avait trouvé sur Internet une idée de balade ‘en dehors des sentiers touristiques’ : il semblerait qu’à quelques mètres du complexe de Kutub Minar soit caché un petit chemin traversant un marché floral et menant vers l’entrée (discrète) d’un parc inconnu du grand public… Il ne nous en faut pas plus pour exciter notre curiosité et nous voilà parties à la recherche du marché magique. A force de mimer avec les mains le dessin d’une fleur, nous finissons par trouver un interlocuteur qui parvient à nous renseigner sur le chemin à prendre pour le marché floral. Bon. Si vous avez en tête les images et les odeurs du marché aux fleurs et aux oiseaux de l’Ile Saint Louis, oubliez tout de suite. Il s’agit ici d’un chemin en terre battue, le long duquel s’étalent charrettes et tissus colorés : Dans les huttes de fortune sont installés hommes, femmes et enfants, tous assis en cercles ou en rangs et puisant à pleines mains dans des sacs remplis de pétales jaunes et roses. Certains dorment pendant que d’autres brassent. Aucun touriste en vue, aucun acheteur non plus. Ce qui se vend ici, ce ne sont pas les fleurs que l’on s’offre mais celles que l’on donne en offrande aux dieux lors des pujas. Nous avançons sereines sur ce petit chemin perdu quelque part dans la ville, déposant au vol quelques images dans nos yeux et cherchant du regard le fameux sentier vers le parc secret…

Au bout de quelques minutes, O rage O déception, le chemin débouche sur une voie rapide. Alors que, dépitées, nous nous apprêtons à faire demi-tour, nous apercevons sur le bas côté un vendeur de boissons fraîches : et derrière lui, une barrière, un début de sentier mal débroussaillé. C’est là ! On pousse la barrière et après quelques pas, nous débarquons dans l’immensité d’un parc comme laissé à l’abandon. Quelques hommes trainent ici et là, des enfants jouent avec un ballon, le silence des arbres règne… le voilà, le Paradis Perdu de Delhi ! Le parc est ombragé et même vallonné. Nous escaladons une butte d’herbe sauvage et découvrons, assises sur un rocher fortuitement posé là, une superbe vue sur la ville. Delhi s’étale sous nos pieds et elle ne sait même pas que nous la regardons … Joli petit moment. Mais comme une trouvaille ne suffit pas, nous nous mettons maintenant en tête de trouver les anciens bains dans lesquels nageaient joyeusement les familles hindoues du dimanche, il y a quelques décennies de cela… Encore une info que Logaine a trouvé sur son fameux site Internet. On commence à s’enfoncer plus avant dans le parc et c’est là qu’on découvre qu’il est vraiment immense. On se croirait en campagne un jour férié et mes forêts bretonnes me remontent aux narines… Sur notre route, nous croisons les ruines d’une ancienne mosquée (presque aussi jolie que celle de Kutub Minar, mais il n’y a personne pour la photographier, celle là), trois jeunes hommes qui veulent nous aider mais qui ne parlent pas anglais, une famille de cochons et deux vaches errantes …. Et puis finalement, alors qu’à ce moment du récit vous vous attendez (et moi aussi) à ce que l’on tombe sur une source d’eau transparente ou sur un tigre en liberté, nous tombons sur une estafette de police, avec à ses côtés les petits bonshommes qui travaillent dedans. En désespoir de cause, nous leur demandons s’ils savent où sont cachés ces fameux bains. Je mime un nageur en mouvement tandis que Logaine mime un plongeon… on joue à Pictionnary pendant quelques minutes, puis un éclair de compréhension passe enfin dans leurs yeux. Oui, ils savent où c’est ! « Je finis mon sandwich et on vous emmène », nous explique le premier. OK, on n’est pas pressées, nous. Le sandwich terminé, on nous fait grimper à l’arrière de l’estafette. « C’est la première fois ! » je leur dis, toute joyeuse. « Heureusement », me rétorque le petit brun à l’avant. Oups. On roule comme ça sur des chemins brinquebalants, secouées à chaque virage mais ayant l’impression de vivre pendant quelques minutes dans un épisode de série policière (oui, il m’en faut peu). J’espère même en secret qu’ils vont se décider à mettre la sirène…
Arrivées aux pieds des fameux bains, nos petits policiers nous expliquent que le coin n’est jamais visité par des touristes et que ce ne serait pas bien de leur part de nous abandonner là. Donc ils vont nous attendre, et ils ajoutent que surtout, on peut prendre notre temps, ils ont tout le leur. Youpi. Une garde policière pour nous toutes seules…. Ce n’est plus la série policière qui se joue dans ma tête maintenant, c’est BodyGuard.
On commence enfin la visite des bains, et là, on ne regrette pas d’avoir tant cherché. Ça vaut vraiment le détour… Juste à côté, des escaliers nous permettent d’accéder à une terrasse qui surplombe le parc, et la ville encore une fois. Un des policemen nous explique que le site a enfin attiré l’attention des autorités et qu’il a été déclaré zone protégée depuis peu. Des travaux de réhabilitation vont être mis en place. Ouf. Parce que franchement, c’est dommage de cacher ça aux yeux de tous.


Chemin du retour, le conducteur nous demande ce que nous comptons faire après. Ben.. en fait… on irait voir ce qu’il y a de l’autre côté de la route qui longe le parc… on a vu la tête d’un énorme Bouddha tout à l’heure et ça nous intrigue… Il nous arrête tout de suite : c’est pas Bouddha, c’est Jain. Mais il accepte de nous y emmener !
Nous voilà donc sur la grande route, toujours à l’arrière de notre estafette. Et nous débarquons en grandes pompes devant le temple, sous des dizaines de paires d’yeux intrigués. A la descente de l’estafette, nous remercions chaleureusement nos guides d’un jour, nous nous serrons la main et nous promettons les larmes aux yeux de nous revoir bientôt (la toute dernière partie est romancée, bien sûr).

Photo en douce...
Pour la petite histoire, le jainisme et le bouddhisme se ressemblent certes, mais ce sont bien deux religions différentes. Non violents, les jains mènent leur vie de sorte à ne blesser aucun animal, aussi petit soit-il. Ils ne sortent pas la nuit, afin de ne pas tuer une bête par mégarde, ils ne consomment pas d’aliment ayant été retiré du sol avec ses racines car il est possible qu’un insecte ait perdu la vie lors de cet arrachement, etc. Comme dans l’hindouisme (religion avec laquelle le jainisme a d’ailleurs de fortes ressemblances), la vie est synonyme d’une souffrance dont on ne se libère qu’au terme du cycle des réincarnations. Pour cela, il convient de faire des bonnes actions, afin d’améliorer son Karma lors des vies suivantes. Le jainisme obéit à un code moral composé de cinq vœux : refus de la violence, refus du mensonge, refus de l’impureté, refus du vol et refus de l’attachement aux biens terrestres. Difficile, me direz-vous. N’est pas Jain qui veut.
Comme à l’entrée de tous les temples, nous retirons nos chaussures, puis nous nous engageons vers un petit sentier qui mène vers un escalier de marbre blanc. On nous conduit sur une grande terrasse à ciel ouvert. C’est là qu’est installé le Jain géant que nous avons aperçu de loin, tout à l’heure.

Dans un coin, un homme fait brûler des bâtons d’encens. Nous sommes seules avec lui, et Jain devant lequel s’étale un grand tapis. L’homme nous enjoint à nous agenouiller pour saluer et prier Jain. Avec le bleu du ciel dans les yeux et le silence blanc qui nous entoure, il est facile de s’évader…
Nous repartons de cet endroit l’esprit reposé. Récupérons nos chaussures et retrouvons le brouhaha de la rue. Attrapons au vol un rickshaw pétaradant. Retour à la maison…

1 commentaire:

  1. oh la la céline,je suis montée avec toi dans l'estafette et je t'avoue que j'avais un peu la peur au ventre et j'ai meme senti une montée d'adrénaline! bien que je trouve tes aventures palpitantes, prudence..... comme dit ma copine brigitte les chats ne font pas des chiens !!!!

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