lundi 24 août 2009

Notre dernière étape avant de rentrer à Delhi : Bénarès.
De loin, cette ville est un mystère. On en dit tellement de choses, qu’il faut l’avoir vue pour comprendre, qu’elle est le cœur de l’Inde, que certains ne s’en remettent jamais.
Rassurez-vous : on s’en est très bien remises. Mais c’est vrai que son atmosphère particulière vous colle à la peau plusieurs jours encore après l’avoir quittée.

Bénarès, c’est la vie et la mort mélangés à toute heure du jour et de la nuit. Les rues sont grouillantes de monde. Hommes à vélos, vaches qui serpentent entre les échoppes multicolores, promeneurs égarés, temples cachés au cœur de la ville sacrée, trottoirs boueux, ruelles chaotiques, corps suants, odeurs enivrantes. Ici, il semble que le mouvement ne s’arrête jamais. Des enfants courent à travers la ville, tirant le touriste par la manche pour lui faire découvrir les merveilles de son magasin oui lui proposer ses services comme guide.
Nous passons des heures à arpenter cette caverne d’Ali Baba sans fin.




































Mais Bénarès c’est aussi, pour beaucoup, la paix trouvée au bout d’un long chemin de souffrances. C’est là en effet que viennent mourir les hindous ayant atteint leur dernier cycle de vie. Ceux-là en ont fini avec le cycle des réincarnations et peuvent enfin accéder à la vie éternelle et trouver la paix. Autour du Gange donc, la vie attend la mort. La croyance dans le pouvoir du fleuve est telle que ceux qui décident de venir mourir à Bénarès et que la mort refuse de prendre sont considérés comme impurs. Ils deviennent alors des intouchables.
Sur un point bien précis du Ghat (bord du fleuve) ont lieu les crémations. Sans interruption, des corps sont brûlés puis jetés dans le Gange. Il faut trois heures à un corps pour brûler.
Certains corps n’ont pas besoin de passer à travers les flammes et peuvent être directement déposés dans l’eau du fleuve. Il s’agit des corps purs : les bébés, les vaches, les victimes d’un serpent et les malades morts de la variole.

A la nuit tombée, nous sommes allées assister au rituel des crémations. Il faut imaginer des brasiers au bord du fleuve, des étincelles de feu dans l’obscurité, le crépitement des flammes, la forme d’un corps aperçue au creux des flammes. Et l’odeur. On ne la sent pas tout de suite, mais un coup de vent suffit à faire passer dans l’air quelque chose d’indescriptible, qui prend les narines et que l’on oublie difficilement. Une odeur âcre. Nous ne restons que quelques minutes. L’ambiance est pesante, la nuit semble plus lourde et plus noire qu’à l’habitude et la chaleur nous étouffe.

Plus tard dans la soirée, c’est l’heure de la Puja. Lors de cette cérémonie, des hommes et des femmes rendent hommage au fleuve à travers des danses et des chants. Nous ne sommes qu’à quelques dizaines de mètres des bûchers sur lesquels brûlent encore des corps, mais l’ambiance est radicalement différente.
A la fin, chacun peut déposer sur l’eau une petite barque composée de fleurs et d’une bougie en pensant à des personnes aimées. Le fleuve s’allume alors de mille feux tandis que les barques voguent à la rencontre les unes des autres.







Le lendemain matin, je me lève à 5h pour assister depuis la terrasse de ma Guest House au lever du soleil sur le Gange. Malheureusement, il pleut. Une pluie légère, agréable, mais qui obscurcit le ciel. Tant pis. Le spectacle du Ghat qui s’éveille vaut bien celui d’un lever de soleil. Je passe 6 heures sur cette terrasse, à observer les mouvements qui ont lieu un peu plus bas. D’abord, les premières ablutions. Des hommes et des enfants entrent dans le fleuve et se purifient en se baignant complètement le corps et la tête. Arrivent ensuite les lavandiers : les pieds dans l’eau, ils lavent le linge de la communauté. Ils font mousser les chemises, les rincent dans l’eau du Gange puis les frappent sur les bords du quai. Le bruit des claquements se faufile jusque sur ma terrasse. Au fil des heures, les vêtements de toutes les couleurs s’étalent sur la rive. Au départ, deux chemises, trois pantalons. Puis dix. Cinquante. Deux cents. Le quai en est bientôt recouvert. Petites tâches de couleur séchant au bord du fleuve : c’est comme un film qui se déroule sous mes yeux.Autre image de cette matinée pas comme les autres : sur la terrasse de mon hôtel, où je suis seule, un vieil homme fait son entrée, seulement vêtu d’un pagne blanc qui lui couvre les hanches. Il prend sur une table un parapluie qui traine par là, rose à petits pois jaunes, et le déploie au-dessus de sa tête pour se couvrir de la pluie. De l’autre main, il attrape un balai et commence à balayer… la pluie ! Cette image aurait mérité une photo, une vidéo…
Le clou de ce spectacle : il attrape sur le sol quelques ordures qui trainent, les emballe dans un sac plastique, s’approche de ma table et … balance le sac par-dessus le bord de la terrasse. Je jette un coup d’œil : le sac a rejoint une dizaine de ses compagnons sur les bords du Gange.
L'après-midi, nous faisons une dernière balade dans les rues avant de monter en barque. Un petit tour de fleuve et puis-s'en-va. Il est l'heure de rentrer à Delhi...
Petite vidéo (filmée depuis l'arrière d'un vélo) pour vous donner un aperçu de l'ambiance:

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