mercredi 11 novembre 2009

La montagne, ça nous gagne! (1/2)

Episode 1: Vis ma vie de moine bouddhiste à Shimla


Vendredi soir, c’est jour de fête. Nous partons pour 4 jours de voyage et de repos bien mérité (surtout pour Mathilde !) dans l’Himalaya. Notre première destination : Shimla, un petit village situé dans la région de l’Himachal Pradesh.

Se rendre à Shimla : deux trains, deux ambiances
21h. Nous sommes sur le quai de la gare et le voyage commence en beauté. D’habitude, quand nous prenons un train de nuit, nous voyageons en seconde classe : un confort qui n’égale pas celui de la première, mais qui est amplement suffisant pour passer une bonne nuit. Mais cette fois, nous n’avons trouvé aucune place en seconde classe. Ni en troisième. Nous atterrissons donc en classe ‘Sleeper’ qui, vous l’aurez compris, arrive après… tout le reste ! Au départ, on ne voit pas trop bien la différence. Les couchettes sont les mêmes, elles sont juste un peu plus nombreuses : il y en a 3 par 'étage' au lieu de 2. Bof, on est allongées de toutes façons, ça ne change pas grand-chose. Bon, nous découvrons peu après le départ que les toilettes sont un peu plus sales et sentent un peu plus mauvais … Et ce robinet, là, dans le couloir, c’est vraiment un robinet ou c’est une poubelle ? Et pourquoi l’entrée des wagons est-elle gardée par des hommes armés ? Hummm…. Mais la plus grande surprise reste à venir : en classe Sleeper, du moins dans notre wagon, les fenêtres sont cassées ou ferment mal. Et il n'y a pas de distribution de couverture. En haute saison, ça ne serait pas gênant, bien au contraire. Mais là, les nuits commencent à sérieusement se rafraichir, surtout que nous filons droit sur la montagne. Bref, impossible de fermer l’œil : le petit vent glacial qui s’infiltre dans le wagon et qui s’amplifie à chaque fois que le train fait une poussée de vitesse est bien décidé à nous en empêcher. D’autant qu’en voyageuse bien organisée, j’ai pensé à prendre une polaire mais… je suis partie en tongs ! On ne se refait pas… Nous débarquons à Kalka vers 5h du matin, frigorifiées et peu dynamiques… Là, un autre train nous attend, direction Shimla. Et là, changement de décor: ce train est magique ! C’est un tout petit train bleu, composé d’une dizaine de wagons qui ne communiquent pas les uns avec les autres et qui n’accueillent chacun que 8 passagers.

On passe tout à coup des odeurs nauséabondes à l’air frais de la montagne et de la nuit glaciale qui n’en finit pas au lever du soleil sur les sommets. Le trajet dure 5 ou 6 heures, je ne suis plus très sûre, et on se croirait au cœur d’un paysage inventé pour le seul bonheur des yeux. Le train sillonne entre les vallées, traversant des petits villages accrochés à flanc de montagne. Quand nous arrivons à Shimla quelques heures plus tard, nous sommes déjà complètement dépaysées ! Delhi nous semble bien loin….
Mathilde me présente ses nouveaux amis (nous n'étions pas dans le même wagon): un moine bouddhiste (que j’appellerai Rupi, parce que j’ai oublié son nom complet) et une femme irlandaise qui suit son enseignement. Ils se rendent dans un monastère sur les hauteurs de la montagne et proposent de nous y emmener avec eux. L’invitation est plutôt surprenante et au départ, je ne suis pas très sûre. J’ai vraiment envie de visiter Shimla et j’ai peur que le monastère soit tellement loin qu’une fois là bas, nous ne puissions plus bouger… Mais nous n’avons pas tellement le temps de réfléchir : une camionnette se gare devant nous, les portières s’ouvrent et un groupe de moines bouddhistes se matérialise devant nous, prêts à embarquer nos valises à l’arrière, et nous avec. Nous suivons donc Rupi et toute sa troupe et nous voilà, mal réveillées et ne sentant pas la rose, sur le siège arrière d’une camionnette conduite par un jeune tibétain plein d’allant. Et en route pour l’aventure ! Nous traversons le village de Shimla, puis celui de Sanjauli (peu mentionné dans les guides mais dont nous tombons pourtant instantanément amoureuses) et nous engouffrons dans un chemin de terre et de cailloux au sommet duquel se dresse le monastère. Les moines nous font descendre avant l’arrivée : la camionnette est trop chargée, elle n’y arrivera pas si nous restons tous entassés à l’intérieur…
Quelle vue quand nous arrivons là haut. Et c’est tellement paisible ! J’avais presque oublié le bruit du silence…








Nous suivons Rupi et son élève dans une petite pièce où les moines nous accueillent avec un déjeuner que nos estomacs ne refusent pas. C’est bon, et c’est chaud, et nous mangeons tout en écoutant Rupi nous parler du bouddhisme et de sa philosophie. Il est très sympathique, ce petit moine grassouillet qui explose parfois de rire sans raison. Il nous raconte sa vie, le Tibet puis l’Australie où il est allé s’expatrier, l’enseignement qu’il prodigue, son voyage en Inde à la rencontre des monastères, et nous nous sentons libres de lui poser toutes les questions qui nous viennent à l'esprit. On dirait qu’il est content d’avoir face à lui deux petites novices avides d’en savoir plus sur son choix de vie, et sur sa religion. Quand nous lui annonçons que nous avons envie d’aller faire un tour dans les rues de Sanjauli après le déjeuner, il nous sermonne gentiment. Pourquoi aller en ville, pour acheter des choses ? Mais pourquoi a-t-on besoin de ‘choses’ ? C’est bien aussi, de ne rien avoir, dit-il en sortant de sa poche un téléphone portable qu’il porte à son oreille et en allumant la télévision… (eh oui, surprise, il y a une télévision – et même un lecteur DVD – dans cette petite pièce par ailleurs complètement dénudée). [Rires].

Pas de méprise: il ne s'agit pas de croissants pas cuits, mais de pain tibétain.

Un peu plus tard, il discute en tibétain avec un jeune moine venu nous servir du chai, et nous explique ensuite en riant qu’il a un peu menti sur notre identité. Ah oui, comment ça ? J’ai dit que vous étiez mes élèves, et que vous vous prépariez à devenir nonnes. Quel petit farceur, ce Rupi ! Nous voilà donc transformées en futures nonnes bouddhistes, et Rupi nous apprend les rudiments pour que nous ne soyons pas démasquées. Le geste à faire quand nous croisons un moine (joindre les deux mains, comme pour saluer un hindou) et la posture à tenir pour faire une offrande au Lama. Le Lama, auquel nous allons rendre visite après le thé. Nous lui offrons des foulards que Rupi nous a remis entre les mains, et quelques roupies dans une enveloppe. Le Lama est dans sa chambre, une petite pièce fraîche dont les murs sont recouverts de photos et d’offrandes. Il est sagement assis en tailleur sur son lit et reçoit au fil de la journée visites et hommages. Il a un regard particulier : à la fois doux et patient.
Un peu plus tard, nous nous rendons au village, effectivement très joli, et quand la nuit commence à tomber nous reprenons le chemin du Monastère. Et bien sûr, on se perd. A l'aller, ça avait l’air simple, pourtant. Tellement simple qu’on n’a pas pensé à regarder vraiment où nous marchions. Il fait nuit noire et nous voilà en train de gravir des marches sans bien savoir si ce chemin là nous mènera dans notre refuge tibétain. Une chose est sûre : plus ça monte, plus nous sommes dans la bonne direction. Mathilde la téméraire marche devant, en éclaireur, pendant que je râle (un peu) à l’arrière parce que s’il faut tout regrimper pour tout redescendre, merci… Et ces petits bruits, là, dans les fourrés, ça ne serait pas des singes à la recherche de viande fraiche ? Heureusement que j’ai mon éclaireur-fonceur pour me motiver… On grimpe, on grimpe… et au moment où l’on commence à perdre espoir, nous apercevons de la lumière. Sauvées ! Mon soupir de soulagement doit encore résonner au fond des vallées…
Nous nous réunissons une nouvelle fois dans la petite pièce qui sert de salon / salle à manger et c’est parti pour un vrai repas de montagne, bien chaud et bien copieux. Les moines se couchent tôt et à 20h30 il n’y a plus un bruit dans le monastère. Mathilde et moi nous dirigeons à petits pas vers les douches (porte coupée sur le haut bien sûr, qui laisse passer le froid de la nuit) pour un dernier brossage de dents réglementaire… Et là, c’est le drame. Je vous passe les détails, mais Rupi a apparemment mal digéré sa grosse assiette du soir… et il a choisi la cabine à côté de la nôtre. Fou rire nerveux, on a 15 ans tout à coup et on s’enferme dans la douche pour ne pas avoir à le croiser lorsqu’il sortira de son antre. On parvient presque à se maitriser, mais pas Rupi. Et quand je lance Mathilde sur la douce mélodie de Chausséééé auuux Moiiines, c’est reparti pour un quart d’heure d’adolescence…Bref, à part ça, la nuit fut paisible. Nous nous réveillons à 8h pour le petit déjeuner et la Puja : une cinquantaine de petits moines, entre 3 et 18 ans approximativement, assis en rangs dans l’enceinte du temple et qui mêlent leurs voix à celle de la musique sous la haute présidence du Lama. Etre là en ce dimanche matin, c’est complètement surréaliste. La puja dure une bonne heure, après quoi nous nous offrons le plaisir d’une petite balade autour du Monastère. Plus en hauteur, nous trouvons un petit coin d’herbe prêt à nous accueillir et nous passons là une partie de la matinée, avec vue grandiose sur la montagne et ses villages.


En début d’après midi, nous faisons nos adieux aux moines et repartons, sacs au dos, sur les chemins. A Sanjauli, nous attrapons au vol un bus pour Shimla et 10 minutes plus tard, nous descendons dans la gare routière du village. Shimla s’étale sur plusieurs niveaux, et nous aimerions trouver un hôtel tout là haut, auprès de l’Eglise. L’exercice devient vraiment physique (du moins pour moi, Mathilde a toujours une bonne longueur d’avance….) : les ruelles serpentent entre les marchés colorés, et il faut les grimper, marche après marche, pour toujours parvenir à un nouvel angle derrière lequel, toujours, se cache une nouvelle volée de marches… Heureusement, le spectacle de la rue m’occupe les yeux. Stands de bric-à-brac, échoppes enfoncées dans les murs et… singes qui se baladent librement dans la ville ! Enfin, nous parvenons au sommet et là, O Surprise, on atterrit sur une large rue pavée bordée de vrais magasins, sans voitures et sans déchets. Shimla a un petit goût d’Angletterre (en plus indien et en plus montagneux…) : l’écossais Charles Kennedy y a construit en 1819 sa résidence d’été, sortant ainsi l’endroit de l’anonymat, et la ville en porte toujours sa marque. Ici, les poubelles débordent mais il est interdit de jeter ses déchets dans la rue. C’est déjà ça. En Inde, des poubelles on en voit peu, pour ne pas dire jamais. Il est interdit également d’utiliser des sacs en plastique. Et de cracher dans la rue (activité que les indiens pratiquent partout ailleurs avec un enthousiasme débordant). Shimla, c’est un petit bout d’air pur, un coin où il fait bon marcher sans avoir à surveiller le trafic autour de soi. Et c’est vraiment beau. Nous trouvons un petit hôtel sur les hauteurs et y posons nos sacs avant de partir à l’assaut du village.







Quand la nuit commence à tomber, nous regagnons notre petite chambre. Et nous posons sur le balcon pour admirer une dernière fois la vue sous les étoiles… Il fait froid : la polaire et les chaussettes vertes sont indispensables. Un look inimitable, en somme…


Bientôt sur vos écrans, l'épisode 2: Shilou et Michou sont invitées à célébrer un mariage hindou.

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